EMC-Toxicologie Pathologie 2 (2005) 178–184
Syndrome de stress post-traumatique : clinique et thérapie Post-traumatic stress disorders: clinical and therapeutic aspects D. Cremniter (Praticien hospitalier, coordonnateur de l’inter-région Paris-Île-de-France) *, A. Laurent (Psychologue) Samu de Paris, cellule d’urgence médicopsychologique, hôpital Necker, 149–161, rue de Sèvres,75743 Paris cedex 15, FranceMOTS CLÉS Résumé Le syndrome de stress post-traumatique connaît, à l’heure actuelle, un intérêt
croissant compte tenu du développement de la prise en charge des victimes de catastro-
phes, accidents collectifs, prises d’otages ou accidents à fort retentissement psychologi-
que dans le cadre des cellules d’urgence médicopsychologiques. À la différence des
auteurs anglo-saxons, le tableau clinique pour les spécialistes francophones s’articule
principalement autour du trauma de façon préférentielle par rapport au stress. Il se
caractérise par le syndrome de répétition ou de reviviscence, spécifique de cette
pathologie, associé à des manifestations de retrait et des symptômes non spécifiquescomme les troubles psychosomatiques ou les troubles de la personnalité. L’interventionthérapeutique s’effectue dans le cadre du système mis en place par les cellules d’urgencemédicopsychologiques grâce aux soins immédiats effectués sur place, au contact del’événement et, de façon plus approfondie, au moyen de l’intervention postimmédiate. Cette intervention psychothérapique précoce comprend notamment la mise en place dudébriefing psychologique. Quant aux situations individuelles, elles bénéficient du cadreapproprié de la consultation de psychotraumatisme, notamment pour les victimesd’agression et de violence. 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Growing attention is actually paid to post traumatic stress disorders, in relation KEYWORDS
with the development of emergency traumatic centers where victims of disasters or
collective accidents, hostages, or victims of events with high psychological consequences
may benefit from adapted therapeutic management. French specialists consider the
trauma rather than the related stress as the clinical reference. It is essentially characte-
rized by the intrusive syndrome which is specific of such disorders, associated with non
specific symptoms such as psychosomatic or personality disorders. The therapeutic
intervention is carried out within the organization implemented by the emergencytraumatic centers, consisting of immediate interventions in or near the place where theevent occurred, and later of a more appropriate psychotherapeutic post-immediate
Adresse e-mail : [email protected] (D. Cremniter).
1762-5858/$ - see front matter 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emctp.2005.07.001
Syndrome de stress post-traumatique : clinique et thérapie
intervention. Individual victims of aggressions and violence may take opportunity ofpsychotraumatic consultations. 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Généralités
est éphémère et sans Quant au trauma,c’est une réaction psychologique provoquant des
manifestations cliniques caractéristiques du syn-
traumatique se réfère à une entité du Diagnosticand statistical manual of mental disorders (DSM)
véritable blessure de l’appareil psychique à l’ori-
reprenant la clinique de la névrose traumatique
gine du développement de la pathologie. Lorsqu’il y
que nous caractérisons actuellement en France par
a trauma, c’est l’image réelle de la mort qui vient
le syndrome psychotraumatique. Cette entité a
faire effraction dans le psychisme et s’y incruster,
tel « un corps étranger interne Les implications
Devant le nombre important de pathologies psycho-
qui en résultent sur le plan thérapeutique sont
traumatiques lourdes chez les vétérans du Vietnam
importantes et le thérapeute agit dans le déroule-
(environ 70 000 sujets touchés sur trois millions de
ment de la cure et dans ses interventions thérapeu-
combattants) la psychiatrie américaine se mobilise
tiques de manière à faire en sorte que cette bles-
et organise un système de prise en charge (les
sure, ce corps étranger, trouve une forme de
l’Association américaine de psychiatrie individua-
La clinique des syndromes psychotraumatiques
lise le « post-traumatic stress discorder » traduit
est spécifique et il faut tout d’abord souligner que
par syndrome de stress post-traumatique dans sa 3e
les manifestations psychotraumatiques ne vont
édition du DSM alors qu’auparavant il n’était nulle-
éclore qu’au terme d’un temps de latence, variable
selon les individus. Le syndrome psychotraumati-
les catastrophes naturelles et accidentelles, en re-
que se caractérise par le syndrome pathognomoni-
crudescence depuis les années 1960, puis l’appari-
que de répétition, des symptômes non spécifiques
tion, dans les pays occidentaux, des phénomènes
et il comporte également une réorganisation de la
de terrorisme ont conduit les auteurs anglo-saxons
à créer une organisation de prise en charge desvictimes d’événements traumatiques. En France,
Syndrome de répétition
c’est en 1995, lors de la vague d’attentats islamis-tes, que le système des cellules d’urgence médi-
Le syndrome de répétition se traduit par la revivis-
copsychologique se met en place ; il est à
cence de l’expérience traumatique vécue lors de
l’origine d’une redécouverte de l’intérêt pour la
l’événement. C’est le noyau spécifique de cette
clinique du traumatisme psychique tandis que la
clinique qui réalise, de la façon la plus directe, une
thérapeutique a suscité de nouveaux travaux et de
forme de retour dans le réel des manifestations qui
se sont déroulées lors de l’événement. Cette répé-tition se produit selon un vécu particulièrementéprouvant en termes d’anxiété, d’angoisse psychi-
Clinique du syndrome
que et somatique. Le syndrome de répétition se
psychotraumatique
déclenche selon un très large éventail de possibili-tés cliniques qui vont de l’expression relativement
Tout d’abord, il nous semble intéressant de souli-
rare dont le retentissement est minime à la surve-
gner les problèmes posés par l’appellation de syn-
nue fréquente de manifestations itératives, entraî-
nant des conséquences majeures au niveau de la vie
parle de stress post-traumatique, on laisse enten-
sociofamiliale ou professionnelle. Ces manifesta-
dre que le stress est postérieur au trauma et que la
tions cliniques surviennent soit spontanément, soit
symptomatologie est consécutive à la réactivation
en réponse à un stimulus en lien avec la situation
du stress. Cependant pour les auteurs français, il
traumatique, comme être à proximité du lieu ou
existe une distinction radicale entre stress et
des circonstances de l’événement, être confronté à
En effet, le stress est une réaction physio-
la médiatisation de l’événement ou rencontrer
logique, neurologique et hormonale déclenchée à
quelqu’un qui rappelle l’un des protagonistes de
partir du moment où l’individu est exposé à un
l’événement. C’est le cas par exemple d’un enfant
événement potentiellement traumatique, le stress
victime d’une prise d’otages et qui plus tard mani-
feste des symptômes de reviviscence à l’approche
données spatiotemporelles de l’événement que s’or-
d’un policier dans la rue parce qu’il lui rappelle les
ganise la phobie : il s’agit d’éviter tous les chemins
qui se rapprochent du lieu de l’événement ou qui
Venons-en à la nature des manifestations obser-
rappellent sa survenue. Ces comportements phobi-
vées lors du syndrome de répétition ou de revivis-
ques peuvent être limités à la situation vécue ou se
cence. L’événement va réapparaître sous différentes
traduire par un envahissement beaucoup plus géné-
formes. Le plus souvent, il s’agit d’hallucinations
ralisé. Tel ce caissier d’un établissement bancaire
visuelles qui reproduisent une partie ou l’ensemble
qui a subi un braquage et qui ne pourra reprendre ses
de la scène. Parfois, les hallucinations sont auditi-
activités qu’à la condition de se trouver à l’écart du
ves, la répétition traumatique porte alors sur le bruit
poste dans lequel il a subi l’agression. On peut citer
perçu lors du moment traumatique. Elles peuvent
également le cas de cette jeune femme coincée dans
être cénesthésiques en réponse à une perception
un ascenseur tandis qu’un incendie se déclarait
corporelle (comme cette patiente ressentant le ca-
autour d’elle. Après avoir été sauvée in extremis,
non de l’arme appliquée sur son flanc durant une
elle développa une multitude de comportements
prise d’otages). On observe également la revivis-
phobiques : au début, elle ne pouvait dormir dans un
cence par illusion ; elle est différente de l’hallucina-
immeuble, à un étage situé au-dessus du premier,
tion en ce sens que le patient superpose l’image
puis, dans une phase ultérieure, ses craintes se géné-
provenant du trauma sur une perception effective.
ralisèrent à tout un ensemble de situations (comme
Indépendamment des perceptions, le retour sur
prendre l’autobus, la voiture) pourtant dénuées de
l’événement peut s’effectuer dans le registre de la
danger, mais qui étaient désormais considérées
pensée au moyen de ruminations portant sur le
comme une menace directe d’accident pouvant sur-
trauma. Dans d’autres cas, il s’agit d’un « vécu
comme si » l’événement allait se reproduire. Signa-
À ce propos, on peut discuter la question de
lons par ailleurs les manifestations au cours desquel-
savoir si cette symptomatologie relève d’une orga-
les c’est le corps qui est concerné par la répétition
nisation phobique créée de novo comme s’il s’agis-
comme on pouvait l’observer dans les tableaux his-
sait d’une structure névrotique qui préexistait ou
toriques de ces soldats figés dans une contracture
s’il s’agit d’une production traduisant de façon
qui les immobilisait sur l’instant du trauma ou encore
directe l’effet de la blessure traumatique et donc
lors de ces fugues ou mouvements itératifs qui repro-
une forme de réponse au trauma. Pour le diagnostic
duisaient au niveau de l’agir la réponse à la situation
différentiel, il faut souligner l’importance du lien
avec l’événement dans la survenue du syndrome,
Rappelons cependant que dans la pratique, ce
car il marque la différence avec une phobie qui se
sont en priorité les images en flash ou les halluci-
développe habituellement indépendamment d’une
nations, ainsi que les cauchemars qui illustrent le
causalité aussi immédiate et accessible.
plus souvent cette répétition autour de l’événe-
Parmi les autres symptômes non spécifiques de la
pathologie traumatique, les manifestations psycho-somatiques ont une grande fréquence. Elles tou-
Symptômes non spécifiques
chent différentes parties du corps. Elles peuventêtre dermatologiques, cardiovasculaires, digestives
Parmi les symptômes non spécifiques, on observe des
ou se traduire parfois par des maladies auto-
manifestations d’asthénie, physique, psychique et
immunes, voire un cancer. Ces manifestations sont
sexuelle, de l’anxiété. Des manifestations névroti-
négligées dans le DSM alors que des populations
ques viennent se greffer sur le syndrome de répéti-
entières, après un événement traumatique, peu-
tion, qui peuvent intéresser l’ensemble du registre
vent développer une pathologie dans ce registre
névrotique avec des manifestations hystériformes
allant jusqu’à la survenue de conversions somati-
Nous citerons également les manifestations dé-
ques. D’autres manifestations font appel au registre
pressives qui résultent du Si ce registre
obsessionnel lorsque l’idéation est colonisée par un
dépressif est fréquemment observé comme secon-
retour prenant les aspects de l’obsession, mais nous
daire au restant de la pathologie, il peut se traduire
insisterons surtout sur les manifestations phobiques
fréquemment par le sentiment d’être comme aban-
qui accompagnent très fréquemment la pathologie
donné par « la communauté des hommes » dans une
psychotraumatique. En effet, ces manifestations,
sensation de « désêtre » fondamental. La sympto-
désignées dans la classification américaine par le
matologie dépressive vient souvent renforcer le
qualificatif de retrait, expliquent une part essen-
sentiment de culpabilité si fréquemment observé
tielle du vécu du traumatisé dans le quotidien de son
chez ces patients. Le risque suicidaire n’est pas
existence. C’est généralement par rapport aux coor-
exclu chez le patient traumatisé comme cela fut
Syndrome de stress post-traumatique : clinique et thérapie
observé chez les vétérans du Vietnam. Ce risque
resse totalement de sa carrière commerciale et
n’apparaît pas lors des phases d’installation de la
financière et s’investit désormais dans tout ce qui
névrose mais plutôt comme conséquence du vécu
de près ou de loin concerne l’action l’humanitaire.
de l’état névrotique ou lors d’un moment qui tra-
Cela montre à quel point ces modifications peuvent
duit chez le patient l’inscription de son désarroi à
toucher en profondeur ce qui auparavant façonnait
un niveau symbolique, favorisant un effondrement
de son narcissisme. On peut, à titre d’exemple,
Pour clore ce registre, il est important de noter
citer le cas d’un otage qui, étant parvenu à écrire le
que les symptômes psychotraumatiques s’expri-
récit de sa détention, se suicidera au moment de la
ment de façon extrêmement variable. Les tableaux
cliniques peuvent être relativement riches et com-
De nombreux traumatisés présentent également
des troubles de la conduite. Nous citerons en parti-
Même si ces dernières sont rares en clinique, du fait
culier l’installation de l’alcoolisme ou de la toxico-
de leurs répercussions relativement mineures dans
manie, comme mode de fixation de l’angoisse, soit
la vie du patient, ces modifications n’en demeurent
lors du syndrome de répétition, soit lors de l’instal-
pas moins spécifiques du registre psychotraumati-
lation des manifestations phobiques. On peut men-
que. Ainsi, tel patient au décours d’un accident de
tionner dans ce registre des troubles liées à une
la circulation s’est trouvé saisi par l’effroi si carac-
perturbation de la fonction orale comme la bouli-
téristique de cette pathologie. Il ne développera ni
mie, l’anorexie, les vomissements qui illustrent une
cauchemars, ni syndrome de répétition. Toutefois
forme de fixation à un registre de l’ordre du dé-
ne doit-on pas pour autant exclure le diagnostic de
goût, parfois comparable à celui observé lors des
syndrome psychotraumatique alors qu’il ressent,
manifestations initiales de stress éventuellement
dans les jours et semaines qui vont suivre, un
profond vécu d’abandon et n’éprouve plus aucundésir. Il évoquera à propos de l’accident qu’il est
Personnalité pathologique
survenu à la date anniversaire d’une rupture affec-tive qui jusqu’alors ne l’avait pas touché de cette
Les modifications de la personnalité peuvent être
observées au décours du syndrome psychotrauma-tique. Il s’agit d’un ensemble de manifestations quitraduisent cet effondrement progressif des sup-
Objectifs des soins
ports qui habituellement permettent au sujet
médicopsychologiques immédiats
d’éprouver cette sérénité qui le protège dans lemonde. En cas de traumatisme, l’environnementdevient menaçant, dépourvu de sécurité, source
Aspects préventifs
d’une inquiétude nouvelle où tout peut arriver. Alexander décrivait les trois registres de blocage
L’intervention thérapeutique se situe dans un pre-
des fonctions de filtration, de présence et d’amour,
mier temps comme une action préventive. En effet,
formulation reprise par L’altération de
les soins délivrés par les CUMP qui interviennent en
la fonction de filtration désigne l’impossibilité,
immédiat lors des catastrophes ne s’adressent pas à
pour le patient, de distinguer les signaux habituels
des sujets repérés en tant que patients exprimant
de ceux qui sont sources de danger, si bien qu’il ne
une demande dans un cadre de soin préétabli mais
peut plus faire la part entre ce qui est menaçant et
avant tout à des impliqués qui ont été exposés à
ce qui ne l’est pas, d’où un sursaut permanent au
l’événement et qui sont susceptibles de développer
moindre signal. L’altération de la fonction de pré-
sence désigne le désinvestissement de toutes les
Il faut avoir conscience que certaines victimes
activités habituelles du patient. Le blocage de la
peuvent se sentir relativement indemnes de toutes
fonction d’amour se traduit par le retrait de la vie
réactions psychologiques ou psychopathologiques
affective ou amoureuse du traumatisé, son incapa-
alors que quelques semaines plus tard, il n’en sera
cité à aimer, à s’intéresser sur le plan affectif à
pas de même. La résurgence de manifestations
pathologiques comme le syndrome de répétition,
Plus généralement, ces modifications de la per-
ou des manifestations moins spécifiques comme un
sonnalité peuvent prendre de nombreuses formes
syndrome névrotique, dépressif ou simplement des
et traduisent un remaniement des identifications.
troubles du sommeil peuvent annoncer l’émer-
Telle cette patiente qui, depuis qu’elle s’est trou-
gence d’un syndrome psychotraumatique et justi-
vée hospitalisée en réanimation à la suite d’un
fient la mise en route de thérapeutiques spécifi-
l’incendie où elle a failli succomber, se désinté-
Désamorcer l’angoisse et le stress
médiate, c’est-à-dire dans les jours qui suiventl’événement, depuis le lendemain jusqu’à 7 à
L’intervention thérapeutique en immédiat vise à
10 jours plus tard. C’est lors de cette phase que les
désamorcer l’angoisse et le stress, cela au moyen
soins seront les plus opérants. C’est le temps mini-
d’une présence, d’une attention soutenue, de pa-
mum pour que les éléments psychopathologiques
roles visant à resituer le sujet dans une commu-
puissent s’organiser et donner l’espoir d’un maté-
nauté d’êtres humains. Il s’agit de permettre à la
riel psychique transmissible au thérapeute.
victime de reprendre pied avec une certaine forme
Sur le plan thérapeutique, la phase postimmé-
de réalité, de l’aider à se soustraire du vécu de
diate se caractérise par la réduction des symptômes
perte d’identité, de projection dans un univers
de stress ou par des signes parfois minimes qui
annoncent l’installation de la névrose traumatique,
Ces traitements sont essentiels à mettre en place
en particulier par le travail de rumination torpide.
car ils vont limiter le risque de déclenchement
Cette phase est également essentielle, puisque
d’une névrose traumatique à court ou moyen
c’est à ce moment privilégié qu’il s’agit de tenter
pour le patient d’accéder à une mise en forme par
La place de la chimiothérapie est à discuter au
la parole de son vécu traumatique afin de s’en
cas par cas. En cas de pathologie confusodélirante
ou lors du déclenchement d’un état psychotiqueaigu comme un accès maniaque ou une boufféedélirante, le recours aux neuroleptiques per os ou
Débriefing psychologique
par voie injectable peut être indispensable. Laprise en charge peut aller jusqu’à l’hospitalisation
Décrire avec précision les modalités pratiques de
en milieu psychiatrique avec un recours si néces-
déroulement d’un débriefing c’est prendre le ris-
saire à une mesure de placement (hospitalisation à
que d’une certaine rigidité, voire d’un enferme-
la demande d’un tiers [HDT] plutôt qu’hospitalisa-
ment. Cependant, il paraît possible, certes en mo-
dulant ces notions à la nature de l’événement, de
Mais le plus souvent, il s’agit de manifestations
définir certaines constances : le nombre et la qua-
anxiodépressives entrant dans le cadre des réac-
lité des participants, la durée de la séance, les
tions immédiates de stress avec un bouleversement
modalités pratiques de son déroulement, le mo-
émotionnel qui, s’il s’accompagne d’une souf-
ment de réalisation de l’intervention par rapport à
france importante, peut justifier la mise en route
la survenue de l’événement, le nombre d’interve-
d’un traitement symptomatique anxiolytique avec
nants qui dirigeront le débriefing. En ce qui
soit benzodiazépines soit hydroxyzine (Atarax®).
concerne le nombre de sujets et leur qualité, il doit
Cette prescription doit s’effectuer en accord avec
se situer entre 5 et 12 personnes maximum et leurregroupement s’effectue par rapport à leur degré
le patient de manière à ne pas accentuer le choc
d’implication dans l’événement. En effet, l’inter-
émotionnel. Quant à la prescription d’antidépres-
vention vise à offrir un premier soin spécifique
seurs, elle est moins habituelle au cours de la phase
dirigé, en premier lieu, vers ceux qui ont été les
immédiate étant donné le caractère évolutif et
plus exposés au traumatisme. Les impliqués ayant
fluctuant de la symptomatologie. Elle est néan-
vécu l’événement plus à distance peuvent égale-
moins indiquée lorsque des manifestations d’auto-
ment être concernés par l’intervention médicopsy-
dévalorisation, un sentiment de déchéance domi-
chologique à un titre peut-être moins caractérisé
nent le tableau clinique. Cette approche favorise le
que le débriefing tel que nous le définissons, il
travail psychothérapique, la reprise du lien social
s’agit par exemple d’une réunion d’information ou
et le réinvestissement relationnel. En outre, la
famille des antidépresseurs évite tout risque d’ac-
coutumance comme ce pourrait être le cas avec les
séance de débriefing peut se résumer de la façon
suivante. Il s’agit d’informer les victimes sur lesrisques de manifestations psychologiques ou psy-chiatriques au décours de l’événement, de leur
Passage des soins immédiats aux soins
offrir une aide à laquelle elles pourront faire appel,
postimmédiats
le cas échéant. Il s’agit surtout de leur permettre,selon la conception élaborée par Crocq, de verbali-
L’un des objectifs prioritaires des soins immédiats
ser l’événement selon une procédure se rappro-
délivrés par les CUMP consiste également à prépa-
rer la mise en place des soins pour la phase postim-
dépistage des sujets particulièrement à risque
Syndrome de stress post-traumatique : clinique et thérapie
constitue un volet toujours essentiel, avec le re-
de la plainte, du sens selon lequel s’oriente le
cours si besoin à une prise en charge chimiothéra-
discours des patients ne peut être repris, compris
et interprété que par un thérapeute expérimenté
qui seul saura comment orienter le travail psycho-
en proposant un éclairage nouveau sur la mise en
thérapique. La connaissance des mécanismes psy-
pratique des modalités du débriefing à la française.
chiques, du rapport à la mort pour chaque victime,
Pour l’auteur, lors d’un débriefing, chacun doit
de l’accessibilité pour chacune à la symbolisation à
pouvoir « raconter ce qu’il a vécu, exprimer ses
partir d’un vécu encore envahi par le réel de cette
émotions du moment, verbaliser ce qu’il a ima-
confrontation au trauma nécessite un ensemble de
repérages qui ne peuvent être improvisés, et en-
Le terme en soi de débriefing prête à confusion
core moins soumis à un entretien prévu à l’avance
car il se réfère à la technique mise au point par
qui ne prend pas en compte la subjectivité du
Mitchell à l’intention des sauveteurs exposés à des
Ces éléments nous semblent fondamentaux pour
cédure obéit à une formalisation qui n’est pas
permettre une efficacité thérapeutique. À titre
adaptée à la procédure telle que nous l’avons pra-
d’exemple, nous pouvons témoigner d’une inter-
tiquée en France et dans les pays francophones. En
vention postimmédiate de la CUMP auprès d’un
particulier, une première différence se situe dans
groupe d’adolescentes manifestant des troubles de
la préparation et l’instauration de la séance. Il
reviviscence suite à l’accident tragique d’une de
s’agit d’engager cette thérapeutique selon un cli-
leurs camarades de classe qui s’était fait écraser
mat de confiance et d’accord entre le thérapeute
par un véhicule à la sortie des cours. Lors du débrie-
et le patient. Si celui-ci envisage quelque chose qui
fing, on assista à la verbalisation d’une représenta-
lui semble prioritaire ou qui doit passer avant la
tion de la victime telle qu’elle était perçue dans la
participation à la séance proposée, il n’est pas
classe. Les mots utilisés étaient en rapport avec le
acceptable de lui imposer cette thérapeutique. Par
trauma puisqu’ils se traduisaient par une dialecti-
exemple nous pouvons comparer deux interven-
que selon laquelle la victime était « écrasée », non
tions, l’une américaine et l’autre française,
pas par un véhicule mais par une certaine forme de
concernant une prise d’otages dans un avion. L’ac-
masochisme vis-à-vis de ses camarades de classe.
tion proposée par un auteur américain (Sokol) dans
C’est selon cette modalité que le trauma a donc pu
ce cadre d’une prise d’otage au Liban d’un avion de
trouver une issue du côté d’une interprétation pro-
la TWA, consistait à hospitaliser durant 24 heures,
duite par le groupe d’enfants lui-même. On a pu
dans une base militaire américaine, tous les impli-
observer, plusieurs mois plus tard, à quel point la
qués au décours de leur libération. En France, dans
situation psychologique paraissait apaisée dans ce
le cas de la prise d’otages de l’Airbus d’Alger en
lycée qui, auparavant, faisait l’objet de perturba-
décembre 1994, les soins psychologiques pratiqués
au décours immédiat de la libération des otages
Dans un autre cas, chez de jeunes enfants âgés
n’ont pas retardé les retrouvailles de ces derniers
de 10 ans ayant été exposés de leur fenêtre au
avec leurs familles. Le fait de retarder le souhait
cadavre d’un homme qui venait de se précipiter
des otages sous prétexte de réaliser un débriefing
d’une tour (les enfants se trouvaient à Paris avec
dans les conditions prévues à l’avance nous sem-
leurs instituteurs pour visiter la capitale), l’effrac-
blait contraire aux principes éthiques élémentaires
tion traumatique devait se traduire par une terreur
et, dans un cas comme celui d’une prise d’otages,
vis-à-vis du sens du passage à l’acte suicidaire.
présentait le risque de faire subir aux impliqués le
Après avoir exprimé ce rapport au réel de la mort à
vécu d’une seconde séquestration.
travers ce qui pouvait se transmettre de leurs des-
Une seconde considération nous distingue du dé-
criptions, ils finirent par s’orienter lors d’un travail
briefing tel qu’il a été instauré par Mitchell, il s’agit
en petits groupes sur des lignes de force qui distin-
de la compétence et de l’expérience du théra-
guaient garçons et filles. Celles-ci devaient dé-
peute. Dans notre conception, la pratique d’une
tailler leur rapport au suicide, qui était, pour cer-
telle thérapeutique de groupe ne peut se mettre en
place en se conformant à l’application d’une sorte
l’occasion de déverser cette tentation qui, pour
de check-list prévue à l’avance. Il s’agit en fait de
l’une d’entre elles, revenait fréquemment dans son
confier la réalisation du débriefing à un thérapeute
existence. Pour les garçons, il s’agissait de fantas-
à la fois expérimenté sur le plan psychopathologi-
mes touchant plus particulièrement à la mort acci-
que mais également habitué et formé aux questions
dentelle qui aurait pu survenir chez l’un des pa-
relevant du psychotraumatisme. En effet, le repé-
rents, généralement le père et en particulier lors
rage des mouvements psychologiques, de l’énoncé
d’un accident de voiture survenu chez plusieurs
d’entre eux avant leur naissance. Ce fantasme était
Crocq L. Panorama des séquelles des traumatismes psychi-
donc comme ce qui aurait pu empêcher leur exis-
ques. Névroses traumatiques, états de stress post-
tence. Toujours est-il que ce travail thérapeutique
traumatiques et autres séquelles. Psychol Med 1992;24: 427–32.
de plusieurs heures particulièrement intense devait
Crocq L. Les traumatismes psychiques de guerre. Paris:
s’avérer particulièrement efficace. Les enfants re-
trouvèrent, après cette mise à plat des mouve-
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ments psychiques éclos au décours immédiat de
Étude d’une centaine de cas personnels. Ann Méd Psychol
l’effraction traumatique, une sérénité leur permet-
1947;Il:496–524.
tant de regagner leur chambre, de trouver le som-
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meil et de terminer leur dernière journée de séjour
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parisien dans des conditions de réassurance qu’il
aigu, état de stress post-traumatique : clinique et biologie.
était difficile d’imaginer la veille au décours de
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pathologiques et atteintes psychiques chez les victimes de
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jusqu’à son terme. Elle est non seulement parfaite-
la Somme : une étude exploratoire. Inf Psychiatr 2003;79:
ment indiquée, mais à l’évidence d’une grande
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