Le miracle manichen

C’est en patience que se conçoit l’ébranlement du monde.
* Cet article a été donné en conférence lors du Symposium « Mani », à Renova, Bilthoven,
Hollande, le 7 mai 2005, et publié en hollandais par la Rozekruis Pers, Haarlem, dans les Actes du
Colloque (septembre 2005).
Introduction :
Lorsqu’on parle aujourd’hui de manichéisme, on songe rarement à cet homme exceptionnel, à ce Messager de la Lumière que fut Mani (216-276). Sept siècles après le Bouddha, deux siècles après le Christ, quatre siècles avant Mahomet, celui qui se présentait déjà comme le réunificateur de l’Orient et de l’Occident, le « Paraclet de la Vérité » ou le « Sceau des Prophètes », transmit une vision du monde et de la vie si puissante qu’elle se répandit, de manière totalement pacifique, de l’Afrique à la Chine, des Balkans à la péninsule arabique. Mani, qui fut aussi un peintre sans égal, un grand poète, un musicien de talent et un médecin remarquable, démontra l’unité à l’arrière-plan des diverses religions. Il enseignait aux chrétiens l’aspect profond, ésotérique, du christianisme universel, dévoilait aux mages d’Iran le véritable sens du message de Zoroastre, expliquait aux bouddhistes le chemin de la Libération. L’« Église de Justice » qu’il avait fondée pour transmettre les mystères de l’Homme Parfait, illumina des millions d’âmes pendant plus de mille ans. Or que reste-t-il de cette « Religion de la Lumière », tolérante, non violente, unificatrice, qui embrasa le monde et bouleversa tant d’êtres ? Pourquoi le Manichéisme, si généreux, si profondément humaniste et universel, fut-il persécuté inlassablement par tous les empires et toutes les religions ? En quoi était-il si dangereux qu’il ait fallu effacer de nos mémoires jusqu’à son souvenir, ne conservant de sa prodigieuse et longue histoire que ces mots : « manichéen », « manichéisme », devenus dans nos bouches des insultes ? Notre objectif ici est de montrer à travers un exemple concret, celui du Manichéisme en Asie Centrale, ce que fut véritablement la Gnose de Mani et l’influence civilisatrice qu’elle exerça sur la société de son temps. Nous verrons ainsi clairement que si les faits auxquels nous nous référons sont bien passés, les questions qu’ils posent ne sont pas pour autant dépassées. Plus que jamais, en cette époque troublée et confuse qui est la nôtre, où nous assistons à une mondialisation de la lutte entre la Lumière et les ténèbres, le Bien et le Mal, l’Esprit et la Matière, le message de Mani, son « cri », mérite d’être redécouvert… et entendu. Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 Pour décrire et comprendre le « miracle manichéen », nous adopterons le point de vue suivant : le Manichéisme est un ésotérisme, un ésotérisme universel. Ou encore : le secret du Manichéisme, c’est l’Initiation, résumée par le symbole du caducée, figure universelle de la science médicale, ou celui de l’arbre triple (comme dans la peinture chinoise) ; la clef de l’influence civilisatrice du Manichéisme, c’est le « Grand Ebranlement » selon la formule coranique (Coran 79/34), l’expérience suprême, gardée en trésor dans les Livres sacrés, confiée en dépôt aux Prophètes et aux Sages, cachée sous les symboles et « les discours en similitudes ». Nous pensons ici aux différents prologues de l’Apocalypse de Jean, du Corpus Hermeticum, du Récit de l’exil occidental de Sohravardi, le « Chant de la perle » des musulmans iraniens, des Noces alchimiques de Christian Rose-Croix, où il est clairement fait allusion à ce fait spirituel. Dans le Manichéisme, cette expérience fondamentale, « apocalyptique », est décrite avec précision dans le Kephalaïon 1 et dans le Mani-Codex comme « l’ébranlement des vertèbres du dos ». Dans la Gnose moderne, elle est évoquée avec pudeur et subtilité par Van Rijckenborgh au chapitre 16 de ses commentaires ésotériques de l’Evangile de la Pistis-Sophia, et de manière directe dans toute son œuvre, en particulier dans Dei Gloria Intacta et Un homme nouveau vient. Bien que, depuis le début du XXÏ siècle, de nombreuses études aient été consacrées au Manichéisme, rares sont les savants ayant osé postuler, comme le fit l’historien juif Guy Stroumsa (1992), l’existence d’un ésotérisme dans la pensée et l’univers de Mani. Plus rares encore sont ceux qui ont tenté d’explorer systématiquement l’imaginaire manichéen et de percer jusqu’au sens « vrai » de ses « mystères », mythes, symboles, rites et initiations. Le double principe qui guidera ici notre recherche est simple : les textes écrits par Mani ou les représentations picturales léguées par ses disciples sont avant tout symboliques et initiatiques, et ont principalement trait à la « physiologie de l’homme de lumière », selon la formule de l’iranologue Henry Corbin, à la structure de « l’homme intérieur » selon l’expression de Paul, à l’anatomie subtile. Ce fait peut être confirmé, par exemple, par l’importance que revêt la notion de « microcosme » dans le Manichéisme oriental et rapproché des conceptions taoïstes où le corps humain est envisagé comme un résumé de l’univers entier, mieux comme un monde sacré parfait, puisque réalisé d’après un principe d’ordre transcendant. A ce qui précède, nous ajoutons l’assertion suivante : le mythe manichéen, comme le récit christique, la légende du Bouddha ou celle de Christian Rose-Croix,
est un « mystère », un « mystère d’initiation », d’essence alchimique, relatif à la
« seconde naissance », à la genèse de « l’homme nouveau », qui se déroule en « trois
jours », en « trois temps », conformément à la parole christique (Jn, 2, 19) :
« Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai (il parlait du temple de son
corps) ». « Jésus s’est levé, dira le psalmiste manichéen, en trois jours, il s’est levé.
La croix de lumière, c’est sur trois puissances qu’elle s’élève. […] Ces trois
puissances sont l’Eglise du petit monde [ou microcosme].
Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 L’alchimie véritable, l’« alchimie interne » par opposition à l’« alchimie externe », concerne des processus spirituels ayant trait à la recréation complète de
l’être humain ; il s’agit de processus microcosmiques très « complexes » et très étranges pour le
sens commun,
qui forment depuis les temps les plus reculés la base de tous les
enseignements des écoles des Mystères. Un livre comme le Traité manichéen chinois,
traduit par les sinologues français E. Chavannes et P. Pelliot, doit être considéré
comme un ouvrage d’alchimie et de médecine manichéenne, comme un texte
initiatique, et étudié dans cette perspective (il contient, entre autres, une étonnante
théorie des signes et des correspondances, une véritable « physique du Tao » propre
à bouleverser toutes nos conceptions spirituelles et scientifiques).
Le passage suivant confirme notre propos : « Quand l’Envoyé de la lumière est entré dans l’ancienne ville et qu’il a détruit les ennemis haineux, il lui faut aussitôt séparer les deux forces de la Lumière et de l’Obscurité, et ne plus leur permettre de se mélanger. Il commence par soumettre la haine, il l’emprisonne dans la ville des os et fait en sorte que l’éther pur puisse entièrement se délivrer de ses liens. Il soumet ensuite l’irritation et l’emprisonne dans la ville des nerfs ; il fait en sorte que le vent pur et excellent soit immédiatement délivré. Il soumet ensuite la luxure et l’emprisonne dans la ville des veines. Il fait en sorte que la force lumineuse puisse de suite se débarrasser de ses liens. Il soumet ensuite la colère et l’emprisonne dans la ville de la chair ; il fait en sorte que l’eau excellente puisse être immédiatement délivrée. Il soumet ensuite la sottise ; il l’emprisonne dans la ville de la peau. Il fait en sorte que le feu excellent soit entièrement délivré. Les deux démons de la convoitise et de la concupiscence, il les emprisonne au milieu. Le feu violent, affamé et empoisonné, il le laisse en liberté. C’est ainsi qu’un orfèvre qui désire fondre [du minerai] d’or commence par se procurer du feu ; s’il ne trouve pas de feu, la fonte ne se réalise pas. L’Envoyé de la Lumière bienfaisante est comparable à l’orfèvre ; quant au [mot inconnu], il est comme le minerai d’or ; et quant au démon affamé, c’est le feu violent qui fond les cinq corps divisés [de la lumière primitive] et qui les fait devenir purs. Le grand Envoyé de la Lumière bienfaisante, dans les corps d’excellence [des élus], se sert du feu affamé pour produire un grand profit. Les cinq forces lumineuses habitent dans [le corps formé par] les substances combinées [des deux forces lumineuse et obscure] ; c’est pourquoi l’homme excellent distingue et choisit entre les deux forces et les fait se séparer l’une de l’autre. » (536-539 ; 40-43) Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 D’un point de vue ésotérique, il est possible de distinguer trois formes distinctes et opposées d’alchimie, fondée sur la « Puissance du Serpent », sur l’éveil de la Kundalini, comme la nomme les Orientaux (ces différences expliquent selon nous le phénomène de la « guerre des Maîtres ») : l’alchimie « tantrique » ou « yoga de la Force ascendante », pratiquée par tous les « occultistes » au sens large, qu’ils soient chinois, indiens, tibétains, iraniens, ou européens « supramentale » ou « yoga de la Force descendante », enseignée à notre époque par Sri Aurobindo et ses continuateurs ; et l’alchimie « christique » ou « yoga intégral », professée, expliquée et vécue par les Gnostiques christianisants, les Théosophes allemands issus du protestantisme, et les Rosicruciens anciens et modernes. Les Manichéens, qui se définissaient comme « fils du Serpent », au même titre que les disciples d’Hermès, les kabbalistes juifs, les Alides musulmans (partisans d’Ali ou chiites ésotériques), les Ophites, les Naassènes, ou les Pérates, professaient et pratiquaient cette dernière méthode. Dire en un court résumé tout ce qu’englobe cette méthode de transformation de la conscience est ici chose impossible, mais nous pouvons établir cependant
qu’elle se rapporte à l’influence et à la reconstruction de tout le système
nerveux et, par là même, de l’âme humaine
. Nous désirons la nommer en
référence et en opposition à Jung et sa « psychologie des profondeurs » :
« individuation spirituelle » (et pas seulement psychologique), « auto-initiation »,
« alchimie spirituelle ».
Ce que nous entendons dévoiler ici, à la lumière de l’herméneutique spirituelle redécouverte par Henry Corbin et de la science de la transfiguration transmise par Jan van Rijckenborgh, c’est donc le sens « « mystères manichéens », dont Mani disait qu’ils lui avaient été révélé par son Jumeau céleste, par son Double, qu’il affirmait contempler avec ses « yeux de lumière », avec « ses yeux de feu » : « La vérité et les secrets dont je parle […] ce n’est point des hommes ni de créatures charnelles que je les ai reçus, ni même d’études des Ecritures [que je les ai tirés]… [C’est lui, le Compagnon inséparable, qui m’a] divulgué comment j’étais avant la fondation du monde, et comment le fondement de toutes les œuvres, à la fois bonnes et mauvaises, fut établi… » Pour illustrer notre propos, prenons un exemple. Une tradition arabe rapporte que « lorsqu’on brûla les livres de Mani et de ses disciples, du feu jaillirent des pierres précieuses et s’écoula de l’or liquide ». Les mots, comme les êtres, ont une histoire et recèlent souvent des trésors de significations qu’une analyse minutieuse peut révéler. Un nom est une « signature », une force. Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 Selon différents auteurs, l’origine du nom Mani remonterait au mot syriaque mana, « vase », « vêtement », ou au sanscrit mani, qui signifie « pierre, perle précieuse, gemme ». Pensons ici au mantram : Om mani padme Om, dont le sens est : « Salut à toi, ô joyau [caché] dans le lotus ». Les deux figures du vase et de la perle, se rattachent directement au mystère du Graal dont la présence est attestée dans toutes les traditions religieuses, de la Chine à l’Europe, en passant par l’Inde, l’Egypte et le Moyen Orient. Calice, pierre précieuse, gemme ou livre, sous quelque forme qu’on le décrive, le Graal n’a jamais cessé d’être le symbole de l’union de l’âme humaine avec l’Esprit, but ultime de ceux qui recherchent la Vérité. Symbole universel, certes, mais aussi et surtout « fait spirituel », « réalité spirituelle », « vérité spirituelle », comme l’a expliqué Van Rijckenborgh dans son livre : La Gnose universelle. D’après Van Rijckenborgh, le Graal est la représentation imagée de l’unité
du système tête-cœur : le pied de la coupe repose dans l’orifice cardiaque et les
poumons, la tige du calice est dressée dans le cou, et le haut de la coupe est formé
par le globe de la tête.
Cette même image se retrouve à un autre niveau : le chakra-couronne ou chakra coronal au sommet de la tête, qui joue un grand rôle dans tous les processus spirituels en liaison avec la pinéale, a aussi la forme d’une coupe. C’est ce qu’illustre le signe de Mercure (Hermès) dans l’alchimie ou l’idéogramme représentant l’homme dans l’ancienne graphie chinoise. « Grand symbole de l’Initiation » selon la formule de Van Rijckenborgh, le signe de Mercure réunit en lui trois figures fondamentales du Manichéisme : la lune, symbole de l’Âme ; le soleil, symbole de l’Esprit ; la croix, symbole de la matière. L’idéogramme chinois représentant l’homme a ceci de particulier qu’il comporte trois niveaux : la croix, figurant l’homme, repose sur un carré ouvert vers le bas, signe de la Terre. Elle est surmontée d’un demi-cercle ouvert vers le haut, symbolisant le Ciel. La croix unit le Ciel et la Terre, et l’homme ainsi représenté a distinctement la forme d’une coupe. Comme le rappelle la célèbre légende indienne de Brahma, le Graal ne doit donc pas être cherché à l’extérieur, mais en nous-mêmes. 1. J. van Rijckenborgh, Les Noces alchimiques de CRC, vol. II, p. 137. Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 Chez l’homme ordinaire, ce vase est « brisé » (pensons ici à la Kabbale juive et au livre du Zohar), cette unité n’existe plus et un conflit incessant sévit entre sa tête et son cœur, entre sa raison et son sentiment, et ses actes, le troisième aspect de la tri-unité humaine-divine, en portent clairement la marque. Le phénomène, qui est décrit comme « la chute » ou l’expulsion du Paradis dans la Bible et le Coran, n’a en vérité pas d’autre origine que cette rupture, qui se reflète par exemple dans la dualité homme-femme (lors des conflits conjugaux, l’homme dit de manière caractéristique : « Je ne te comprends pas », et la femme : « Tu ne m’aimes pas »), et s’inscrit jusque dans la structure de notre système nerveux (opposition entre le système sympathique « involontaire », de type féminin, et le système cérébrospinal « volontaire », de type masculin). A l’inverse, chez « l’homme régénéré », comme le dit le théosophe Jacob Boehme, tête et cœur apparaissent comme indissolublement unis, et se reflètent
parfaitement l’un dans l’autre. Ils sont à la fois opposés et complémentaires et
forment un sphéroïde parfait, qui rend possible la maîtrise, le « chevauchement »,
des forces du désir, symbolisées dans la pensée manichéenne par l’image des
« ténèbres » (celles-ci ont leurs centres principaux dans les organes génitaux et le
plexus solaire).
Chez les Templiers, cette connaissance était symbolisée par les deux cavaliers assis sur la même monture, dont l’un regarde vers l’avant (la tête) et l’autre surveille leurs arrières (le cœur) ; dans le Taoïsme, Lao-Tseu, prototype du vrai Sage, chevauche le buffle ; l’amour et la sagesse, par la liaison tête-cœur, domine la nature indolente et fantasque. Van Rijckenborgh attire encore notre attention sur le fait qu’entre la tête et le cœur se trouve le larynx, situé à la partie supérieure de la trachée artère, structure organique qui permet d’exprimer par le langage pensées et sentiments, comme de chanter, de prier ou d’enseigner. Il s’agit ici d’actes hautement magiques, tant sur un plan naturel que sur un plan spirituel, qui manifestent par la parole l’unité ou la désunion du système tête-cœur (dans les traditions gnostiques et en particulier dans l’imaginaire du Graal, le pouvoir du verbe est souvent assimilé à une épée à double tranchant). Ce fait était bien connu des Manichéens, comme le prouvent abondamment les textes et les miniatures retrouvés à Turfan, et l’importance qu’ils accordaient à la musique, au chant, à la poésie, à la confession par la parole, comme témoignages de leur vie intérieure et de l’esprit qui les animaient. La doctrine manichéenne des « trois Sceaux » (le sceau de la bouche, le sceau du cœur, le sceau de la main) en est un puissant et vivant symbole. Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 Le motif de la perle, qui correspond au second sens du nom « Mani », occupe une place centrale dans la littérature et la piété manichéenne. Dans les textes retrouvés au Fayoum, en Egypte, Mani est désigné comme « l’Apôtre de la lumière, la perle de lumière, venu des mers agitées ». Un psaume dit encore : « Luttez, mes bien aimés. Devenez de belles perles, et que les pêcheurs de perle vous emportent jusqu’au ciel, pour trouver la paix dans la vie éternelle ». Dans le « Chant de la Perle » issu des Actes de Thomas, l’un des apocryphes chrétiens les plus populaires dans les milieux manichéens, le Prince d’Orient cherche la perle comme Perceval le Graal. Ce rapprochement n’est pas arbitraire : dans le récit de Wolfram von Eschenbach, il est dit que « tout ce dont se nourrissent les chevaliers leur vient d’une pierre précieuse, qui en son essence est toute pureté. […] Cette pierre porte aussi le nom de Graal ». On se souviendra encore que Mani est, pour ses disciples africains, « Celui qui offre la manne, le pain de vie ». Le Chant de la Perle est considéré comme l’un des joyaux de la littérature syriaque (la langue maternelle de Mani était le syriaque). Il fut régulièrement lu et commenté dans les communautés manichéennes d’Orient et d’Occident, au même titre que le célèbre Evangile de Thomas. Ses auditeurs identifiaient clairement le jeune héros avec leur fondateur : les tribulations du jeune Prince iranien parti à la recherche de la Perle sacrée n’étaient autre que celles de Mani, l’Envoyé de la Lumière, descendant dans le monde des ténèbres pour instruire les hommes du « mystère de l’atome primordial », et retournant à son origine, accompagné par les âmes régénérées de tous ceux qui ont répondu positivement à son « appel ». Ce récit initiatique, qui illustre le mythe gnostique de la descente et de la remontée de l’âme, présente effectivement par endroits des parallèles frappants avec la vie légendaire de Mani. Certaines traditions attribuent même la paternité de ce texte à Mani lui-même. Etant donné son importance pour une juste compréhension de notre propos (le Manichéisme comme ésotérisme), nous rappellerons rapidement les grandes lignes de ce récit. L’argument est simple : le fils du Roi de l’Orient est envoyé en mission en Egypte à la recherche d’une perle précieuse qui repose au fond de la mer, près de l’antre d’un serpent. Au cours de sa quête, le jeune Prince sombre dans l’inconscience et le sommeil, victime de la perfidie de ses ennemis. Sa famille s’émeut de son sort et conçoit un plan pour l’arracher à sa condition : sous la forme d’un aigle, une lettre lui est envoyée afin de lui rappeler ses origines et le but de son voyage. Le « cri » de l’oiseau le réveille et les paroles gravées dans son cœur par ses parents avant son départ lui reviennent en mémoire : il se dirige vers l’antre du serpent, l’endort en prononçant sur lui « le Nom » de son Père, de son frère et de sa Mère, lui arrache la perle, et rentre dans sa patrie, victorieux. Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 A la frontière entre l’Orient et l’Occident, il se dépouille de son ancien vêtement, et reçoit le manteau royal, la robe de lumière, qui lui avait été promis dès le commencement. Sous une forme un peu différente, le mythe manichéen raconte la même l’histoire, celle de l’âme divine emprisonnée dans la matière et le corps, et retrace sous forme imagée les différentes phases de ce long et douloureux combat, qui oppose dès l’origine la Lumière et les ténèbres, l’Esprit à la matière, le Bien et le mal. Cet immense drame cosmique, cet épopée du Salut, se déroule en trois « temps » : un moment antérieur ou passé, où existait une disjonction, une dualité parfaite des deux Substances ; un moment médian ou présent, où s’est produit et continue de se produire le mélange des deux Principes ; un moment futur ou final, où la division primordiale sera rétablie comme au commencement. L’histoire de l’humanité commence avec la chute de l’Homme primordial dans la sphère matérielle : pour défendre son Royaume contre l’attaque du Prince féroce, Dieu, le Père de la Grandeur, envoie son fils combattre l’Ennemi à la frontière entre les deux mondes. Mais celui-ci est vaincu : son corps de lumière est livré aux démons ténébreux et son âme assujettie aux forces et lois de la nature. Voyant cela, le Père envoya son second fils, afin qu’il vienne en aide à son frère. Par sept fois, au moyen de son « cri », celui-ci tente de réveiller chez son frère le souvenir de sa royauté perdue et de lui rappeler sa mission première. Par sept fois, ce cri descendra comme une « corde de lumière » à l’intérieur des Ténèbres ; et par sept fois, il devra remontera vers sa source, accompagné par la réponse de l’Homme primordial, avant que ce dernier puisse regagner en vainqueur sa patrie céleste et recouvrir sa dignité royale, symbolisé par le nouveau manteau de lumière. Ces différents récits attirent notre attention sur le motif du vêtement, D’anciennes traditions gnostiques rapportent qu’à l’origine Adam était revêtu d’une lumière qu’il perdit lorsqu’il fut chassé de l’Orient et qu’il retrouvera en réintégrant son état premier. Dans l’Evangile de la Pistis Sophia, Jésus apparaît à ses disciples, comme lors de l’épisode de la Transfiguration, sous la forme d’un homme de lumière, enveloppé d’une nuée incandescente. Dans l’Apocalypse de Jean, ce dévoilement est présenté comme la confrontation du candidat initié aux Mystères de la lumière avec « celui qui est le premier et le dernier », l’homme nouveau véritable. « Il était, dit le texte, vêtu d’un longue robe et portait une ceinture sur la poitrine ». Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 Dans les Actes de Jean, Jésus se tient au milieu de la grotte au moment du Golgotha, entouré d’une puissante lumière, et révèle à son plus proche disciple la croix de lumière et son mystère. Dans les Kephalaïa, Mani est appelé comme Jésus « l’homme de lumière », et les différents chapitres qui se succèdent représentent son enseignement direct. Dans le Chant de la perle, évoqué plus haut, le jeune prince iranien abandonne son manteau royal à la frontière entre l’Orient et l’Occident, comme Jésus dans l’Evangile de la Pistis Sophia, et part à la recherche de la perle, cachée en Egypte. Après avoir vaincu le « serpent terrible et sifflant » (c’est ainsi que la Kundalini est décrite dans la doctrine du yoga), le Dragon des Mystères, il rentre dans sa patrie et reçoit en cadeau un nouveau « vêtement de lumière » dont il se revêt. Comme l’auteur des Odes de Salomon (21, 3), il dit : « J’ai dépouillé l’obscurité et revêtu la lumière ». « Rejetons de notre vie, dira également Paul, ce qui est ténèbres, revêtons l’armure de la lumière ». Dans ce vêtement, il reconnaît son véritable moi et s’unit à lui : « Soudain, lorsque je lui fis face, tel mon miroir, il me ressembla. Je le vis tout entier, et aussi moi, je reçus tout en lui. Car deux nous avions été, dans la division, et, à nouveau, nous étions un, en une forme unique. » Le Codex manichéen de Cologne offre un étonnant parallèle à ces paroles : « Du moment où mon corps parvint à sa perfection, aussitôt ce très gracieux et grand miroir de moi-même [il s’agit ici du double de Mani] vola d’en haut et apparut devant moi ». Et plus loin : « Je le reconnus, et je compris que j’étais celui-là, dont j’étais séparé ». On ne saurait trouver un meilleur exemple du symbolisme du vêtement dans sa formulation gnostique la plus élaborée : le vêtement comme symbole de l’être même de l’homme. Pour finir, nous voudrions encore citer un exemple, susceptible d’éclairer notre sujet et de renforcer notre propos. Plus haut, nous avons affirmé que
l’alchimie spirituelle n’a pas seulement pour objet la description de processus
psychiques comme le croyait Jung, mais qu’elle se rapporte à l’influence et à la
reconstruction de tout le système nerveux et, par là même, de l’âme humaine.
De tous temps et dans toutes les traditions religieuses, le double système nerveux de l’homme a été représenté symboliquement par la figure de l’arbre. La Bible et les textes bouddhiques, par exemple, le figurent par un figuier ; le Coran parle à ce sujet de « l’arbre vert », le vert étant la couleur du système nerveux. Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 Vert, était, dit-on, le manteau dans lequel l’Envoyé de Dieu, Mahomet, s’enveloppait pour recevoir la révélation des sourates, indication qui permet d’établir immédiatement une corrélation entre le phénomène de la révélation et la transformation du système nerveux ; c’est aussi sous ce manteau que les descendants directs du Prophète – Fatima, sa fille, Ali, son gendre, et leurs deux enfants Hassan et Hussein – venaient se réfugier à l’heure du danger, ce pour quoi on les appelle dans le Chiisme « les quatre sous le manteau », formule qui n’est pas sans rappeler les « Cinq fils » ou « cinq membres de l’Ame » du Manichéisme. Le personnage le plus important et le plus mystérieux de l’ésotérisme musulman est Khidr, l’Homme Vert ; c’est l’Initiateur par excellence, le Compagnon parfait, celui qui connaît le chemin menant à la Source de vie. Dans les traditions chiites, il est encore fait allusion à la mystérieuse « Ile Verte en Mer Blanche », nommément identifié comme le cerveau par les Ismaéliens d’Asie centrale, où réside l’Imam caché et ses compagnons. Ce symbole de l’arbre, en référence au système nerveux, est logique ; en effet, si nous comparons la colonne de feu spirituel spinale montant du plexus sacré au tronc, le sanctuaire de la tête devient la cime, la couronne ; et les douze paires de nerfs de la tête qui, de ce sanctuaire, descendent dans tout le corps, sont les branches pendantes. Lorsqu’il est question de l’Arbre de vie dans les textes manichéens, c’est à l’activité originelle, idéale et pure, du double système nerveux de l’homme qu’il est fait référence. Quand on parle à l’opposé de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal, c’est à l’activité perturbée et désorganisée de ce même système qu’il est fait mention. Ces quelques indications, relatives au symbolisme du corps humain, nous permettent de comprendre que chaque image, chaque mot, employés dans
l’enseignement de Mani, doivent être pris avant tout comme témoignage de la vie
de l’âme, et interprétés de manière intériorisée. Ils ne font, selon notre hypothèse,
que décrire des réalités, des phénomènes et des processus, à la fois matériels et
spirituels, qui se développent à l’intérieur du « microcosme » humain. Leur véritable
signification, leur « sens vrai », doit être cherché, non à l’extérieur de nous, mais en
nous.

C’est pourquoi nous croyons pouvoir affirmer que « le Manichéisme est un ésotérisme » et que les approches classiques, savantes, qu’elles soient philologiques, historiques, philosophiques ou psychologiques, sont insuffisantes pour en saisir l’essence et l’intention véritable. Dans le cas du Manichéisme (mais ceci vaut pour toutes les ésotérismes), science et gnose doivent se compléter et non se nier. Pour être efficaces et pertinents, « l’œil de chair » et « l’œil de raison » doivent s’adjoindre les services de « l’œil de contemplation ». Ensemble, ils constituent « les trois yeux de la connaissance », nécessaires à l’élaboration d’une science nouvelle et respectueuse de ses objets de recherche. Ici, le penseur doit se rendre « voyant », et le voyant se faire « penseur ». Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005 « Un vent du Nord, qui souffle sur nous, tel est Mani, dit un psaume. Levons l’ancre avec lui et entreprenons ensemble le voyage vers le pays de la Lumière. » C’est à ce voyage vers l’Orient que nous désirons maintenant vous convier, un voyage à travers l’espace et le temps qui nous conduira en Haute Asie, cette terre d’élection des neiges éternelles et des sables mouvants, soumise à un rude climat qui oscille de + 40 à - 40 degrés centigrades, où le sublime et le merveilleux côtoient journellement depuis des siècles l’horreur et le désespoir. Jamais, aux temps historiques tout au moins, elle n’a donné naissance à une grande civilisation (selon nos critères d’Occidentaux), et rien, semble-t-il, en ces temps troublés et chaotiques, ne lui présage un avenir meilleur (comme le reconnaissent volontiers les géopoliticiens, toute puissance qui contrôlera ce vaste espace au potentiel exceptionnel, où les trois quarts des ressources énergétiques connues sont concentrées, dominera le monde). A quoi tient donc l’attrait qui, depuis maintenant un siècle et demi, a poussé vers elle tant de voyageurs, de savants et de chercheurs spirituels ? La Haute Asie n’est-elle qu’une terre de mirages et d’illusions, comme sembleraient l’attester le témoignage des ésotéristes et des occultistes à la recherche des secrets du Gobi, de la Fraternité de Shamballa, du mystérieux Prêtre Jean ou de l’énigmatique Roi du Monde ? Peut-être y a-t-il autre chose, plus complexe et plus essentiel, et qui apparaîtra mieux après une étude rapide de l’impact civilisateur durable qu’exerça le Manichéisme dans ces territoires si vastes et encore si mal connus. Le miracle manichéen 1, Renova, Bilthoven, Hollande François Favre, mai 2005

Source: http://manicheism.free.fr/maniblog/miracle1.pdf

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